Togo - Bénin 09 - 23.04.2022

Quel beau voyage. Une plongée entre culture et nature aux sources de l'Afrique noire et au coeur des traditions vaudoues dans cette région, berceau des croyances ancestrales. Deux peuples très accueillants et généreux. Un passé riche en histoire.

Je vais tenter de donner un petit aperçu du royaume d'Abomey, principalement sur les Amazones  Pour ceux et celles qui ont vu le film "The woman King", qui raconte l'histoire de Nanisca, générale de Mino et de sa fille Nawi. Le premier film "Black Panther" rend hommage aux amazones à travers le rôle des Dora Milaje, la garde royale exclusivement féminine du roi T'Challa du Wakanda.

Je parlerai également de la croyance vaudou, du lourd passé d'esclavage et du paysage Koutammakou. 

J'essaierai d'être le plus brève possible afin de ne pas vous ennuyer e vous laisser profiter des photos.

ROYAUME DU DAHOMEY ET LES AMAZONES: Abomey est la capitale de l'ancien royaume du Dahomey.  Elle a gardé de cette époque un ensemble de palais royaux classés au patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO. De 1625 à 1900, 12 rois se succédèrent à la tête du puissant royaume du Dahomey. L'histoire de ce royaume a vraisemblablement des origines mystérieuses. Les amazones du Dahomey sont un ancien régiment militaire entièrement féminin qui a existé jusqu'à la fin du XIXè siècle. Elles sont surnommées ainsi par les colons occidentaux et les historiens à cause de leurs similitudes avec les mythiques amazones de l'ancienne Anatolie. Le troisième roi du Dahomey est à l'origine de la création du groupe qui devient ensuite les Min ou Amazones, un corps de chasseurs d'éléphants. Durant le XVIIIè siècle, le roi entraîne certaines de ces femmes à devenir gardes du corps. Cependant la réelle créatrice du corps de Mino du Dahomey, comme régiment de combattant, intégré aux armées professionnelles du royaume, est la reine Tasi Hangbe. Lors d'une campagne contre les voisins du royaume, elle prend la tête de l'armée, travestie à l'image de son frère jumeau défunt, afin de galvaniser ses troupes. Elle a été largement évincée de l'histoire officielle du Dahomey par son successeur. Le roi qui régna de 1708 à 1732 développa le groupe de femmes gardes du corps en une milice et les utilisa avec succès pou vaincre le royaume Houeda en 1727. Durant les années suivantes, les guerrières acquièrent une réputation de combattantes sans peur. Le groupe de femmes guerrières est appelé Mino, ce qui signifie "nos mères" en langue fon, par l'armée masculine du Dahomey. Entre 1818 et 1858, les Mino sont entre 4000 et 6000 femmes et représentent environ le tiers de l'armée du Dahomey. La dernière survivante connue des Mino est une femme du nom de Nawi (film "the woman King"). En 1978, lors d'un reportage dans le village de Kinta, un historien béninois rencontra Nawi, qui disait avoir combattu les français en 1892. Nawi est décédée en novembre 1979, âgée de plus de 100 ans.  

VAUDOUE: Loin des clichés du cinéma et de la culture populaire de ces dernières années, cette spiritualité est basée sur la sacralisation des forces de la nature et des ancêtres. Elle s'attache à répondre aux grandes questions humaines de l'essence de la vie, mais aussi aux besoins du quotidien (problème d'argent, de relations, de santé...). Le Bénin est le berceau historique du vaudou. Le vaudou est une religion originaire de l'ancien royaume du Dahomey. Souvent assimilée à des pratiques occultes, cette religion issue des cultes animistes africains, est toujours largement répandue au Bénin et au Togo. Elle s'est aussi répandue en AFrique du nord où elle se retrouve sous différentes formes, dont la plus connue est le Gnawa, au Maroc. Avec la traite négrière, la culture vaudoue s'est étendue à l'Amérique et aux îles des Caraïbes, notamment en Haïti. La pratique du vaudou était interdite par les colons, passible de mort ou d'emprisonnement et se pratiquait par conséquent en secret. Pour les adeptes, il est essentiel de maintenir l'équilibre entre le monde visible (celui des animaux, des plantes et des humains) et le monde invisible (celui des divinités et des ancêtres). Ainsi, les deux mondes se doivent de communiquer par l'art de la divination, des chants, des danses, des objets, pour favoriser l'épanouissement des divinités, des ancêtres et des êtres humains. "Vo" en langue fon, signifie se mettre à l'aise, se purifier, se débarrasser des mauvaises pensées et "doun" puiser, extraire, aller chercher. Ainsi "vodoun" ou "vaudou" pourrait être traduit par "se mettre à l'aise pour aller puiser dans l'invisible tout ce dont on a besoin pour s'épanouir dans le monde physique". Le vaudou comprend un panthéon de plusieurs centaines de divinités, chacune possédant ses spécificités: sa fonction, ses rituels, ses symboles. C'est une culture riche et complexe qui comporte encore de nombreux secrets. A l'inverse des croyances en Occident, le vaudou est principalement utiliser pour faire le bien ou comme support de voyance.

L'ESCLAVAGISME, LA ROUTE DES ESCLAVES: Les rois d'Abomey ont régné sur l'un des plus puissants empires de l'Afrique de l'Ouest. L'une des sources de leur richesse? Le trafic de bétail humain, qu'ils capturaient à la pointe des fusils fournis par les négriers, auprès des tribus et royaume rivaux. Au plus fort de quatre siècles d'esclavage, Ouidah formait l'un des principaux, sinon le principal, port d'embarquement de la traite négrière en Afrique de l'Ouest. Enchaînés les uns aux autres, dégoulinants de sueur et d'hémoglobine, les esclaves arrivaient ici, sur les rotules, après des jours de marche depuis leur lointaine région. Ils étaient ensuite délestés de leurs fers puis embarqués sur les navires négriers, quand ils ne se jetaient pas à la mer pour périr noyés plutôt que d'affronter leur terrible sort. Avant d'arriver dans un état épouvantable sur le littoral, les esclaves empruntaient ce qu'on appelle désormais "la route des esclaves", une piste poussiéreuse (en rénovation lorsque je l'ai empruntée) aujourd'hui hantée par les mânes qui relie en quatre kilomètres le golfe de Guinée à l'odieux marché aux esclaves. Celui-ci se tenait sur la place des Enchères, ou place Chacha, du surnom de l'un des pires esclavagistes de l'histoire du pays. De son vrai nom Dom Francisco Felix da Souza, ce Brésilien d'origine surveillait les transactions du haut du balcon de sa demeure, qui dominait la place des enchères. De nos jours, l'hideuse construction en béton, qui se dresse toujours sur cette place appartient à ses descendants qui non contents de na pas conspuer leur ancêtre, vont jusqu'à l'encenser chaque année, lors d'une grande réunion familiale. La route des esclaves est aujourd'hui un trajet de pèlerinage, qui se fait le coeur lourd et en silence. Elle fait revivre les derniers pas des millions d'hommes, de femmes et d'enfants qui ont été arrachés à leur pays et vendus, comme de la vulgaire marchandise par les rois du Dahomey aux Européens. Du marché des esclaves à la porte de non retour, 7 étapes et 4 kilomètres pour remonter le temps et rendre hommage. Je vous donne ci-après les informations sur les différentes étapes que devaient endurer ces millions d'êtres humains.

La place des enchères: Au XVIII siècle, africains et européens s'y échangeaient toutes sortes de marchandise. Les uns vendaient des produits manufacturés, les autres des esclaves. Pour exemple, 1 pipe valait 5 esclaves, 1 bouteille d'alcool 10 esclaves, 1 canon 15 hommes ou 21 femmes. De ce marché il reste aujourd'hui la petite place des enchères ou place Chacha, comme mentionnée plus haut.

La maison fleurie: Elle était située juste en face du marché mais a été détruite. Une fois vendu, chaque esclave devait s'y rendre pour y recevoir la marque, au fer rouge, de son acheteur. Puis il entamait sa longue marche, sur la route jusqu'à l'océan.

L'arbre de l'oubli: Arrivés à l'arbre de l'oubli, les esclaves hommes devaient en faire le tour 9 fois, et les femmes 7 fois de façon à oublier leur famille, leur histoire, leur culture et leur identité et devenir des êtres sans aucune volonté. 

Les cases Zomaï: Les esclaves étaient ensuite conduits dans des sortes d'entrepôts totalement obscures et exigus ("zomaï" signifiant "que le feu ou la lumière ne s'y attarde pas") dans lesquels ils étaient enfermés pendant 3 à 4 mois jusqu'à l'arrivée des navires négriers. Des conditions de vie horribles - entassés les uns sur les autres, dans le noir, rarement nourris - qui étaient censées leur donner un avant-goût de ce qui les attendait dans les bateaux. il ne reste rien de ces cases qui ont été remplacées par des sculptures.

Le Mémorial du Souvenir: les nombreux esclaves qui ne survivaient pas à leurs inhumaines conditions de détention étaient enterrés dans une fosse commune. Un mémorial a été érigé à cet endroit. Un mur des lamentations se dresse au milieu.

L'Arbre du retour: A quelques mètres du mémorial, un arbre, debout depuis 200 ans, trône au milieu d'une placette tel un témoin du passé. Une fois qu'ils quittaient les cases, les esclaves survivants s'y arrêtaient et en faisaient 3 fois le tour. Ce rituel leur garantissait que leur esprit reviendrait sur la terre de leurs ancêtres quoi qu'il arrive et où qu'ils meurent. Dernière volonté accordée à des êtres humains en sursis. 

La Porte de Non Retour: la route des esclaves se termine par une immense porte inaugurée en 1995, symbolisant le passage des esclaves vers l'autre monde et l'impossibilité pour eux de revenir. La mer étant peu profonde, les navires ne pouvaient atteindre les côtes. Des pirogues les attendaient pour les conduire dans les navires. C'est à ce moment-là qu'ils avaient une ultime chance de se donner la mort et d'échapper à ce funeste destin.

LES TATAS: Le Tata, une architecture unique au monde. Il est l'habitat traditionnel des Bétammaribé, peuple séculaire de bâtisseurs, originaire d'Afrique de l'Ouest et aujourd'hui installé sur un vaste territoire à cheval sur la frontière entre le Bénin et le Togo.  Plus concrètement, le Tata est un habitat fortifié, construit sur 2 étages, composé de tourelles reliées par un haut mur d'enceinte, lui conférant une allure de forteresse. Son architecture élaborée répond à des règles ancestrales mêlant profane et sacré, mais laissant tout de même place à la personnalisation (taille, décoration, nombre de pièces). Il abrite autant les vivants que les ancêtres dont le culte rythme la vie et les saisons.